La prochaine fois que vous serez en colère allez courir sept fois autour de la maison, asseyez-vous ensuite sous un arbre et regardez ce qu'il est advenu de la colère. Vous ne l'avez ni réprimée, ni refoulée, ni projetée sur autrui...
La colère n'est qu'un vomissement mental, il n'est aucun besoin de la déverser sur quelqu'un. Courrez ou frappez un oreiller jusqu'à ce que vos mains et votre mâchoire se détendent.
Durant le processus de transformation vous ne contrôlez rien, vous devenez seulement plus lucide. La colère est un événement; c'est un très beau phénomène, elle est comme les décharges électriques dans les nuages.
Un jour juste avant que Gautama le Bouddha ne quitte son palais pour partir à la recherche de la vérité, sa femme avait mis au monde un enfant. Une histoire, si humaine, si belle...
Avant de quitter son palais il voulut voir au moins une fois le visage de son enfant, symbole de son amour pour sa femme. Il se rendit dans la chambre de sa femme; elle dormait et l'enfant était couché sous une couverture. Il voulut écarter la couverture et voir le visage de son fils car peut-être il ne reviendrait jamais. Il partait en pèlerinage vers l'inconnu. Il abandonnait tout; son royaume, sa femme, son enfant, lui-même, pour la quête de l'illumination. Quelque chose dont il avait entendu parler comme d'une probabilité, qui était arrivée autrefois à quelques personnes qui l'avaient recherchée.
Il était tout aussi assailli de doutes que n'importe lequel d'entre vous, mais l'instant de la décision était venu. Il était décidé à partir, mais le mental humain, la nature humaine... Il voulait juste voir, il n'avait même pas encore vu le visage de son propre enfant. Mais il avait peur, s'il soulevait la couverture, que sa femme Yashodhara se réveille et lui demande: "Que fais-tu dans ma chambre au milieu de la nuit ? Tu sembles prêt à partir".
C'était le moment du départ et il avait dit à son conducteur de char: "Attends-moi une minute, laisse-moi voir le visage de l'enfant, je ne reviendrai peut-être jamais". Mais il ne pouvait pas regarder de peur que Yashodhara s'éveille et ne se mette à sangloter et à pleurer: "Où vas-tu ? Que vas-tu faire ? Pourquoi ce renoncement ? Qu'est-ce que c'est que cette illumination ?" L'on ne sait jamais avec les femmes, elle pourrait réveiller tout le palais ! Son père viendrait et tout serait gâché. Alors il s'enfuit...
Au bout de douze ans, lorsqu'il fut illuminé, sa première action fut de retourner au palais pour demander pardon à son père, à sa femme et à son fils qui devait avoir douze ans. Il était conscient qu'ils pourraient être fâchés. Son père était très en colère. Ce fut le premier qu'il rencontra et pendant une demi-heure il injuria Bouddha. Soudain le père prit conscience qu'il n'arrêtait pas de parler et que son fils se tenait devant lui comme une statue de marbre, comme si rien ne l'affectait.
Le père le regarda et Gautama Bouddha lui dit: "C'est ce que je voulais. Je t'en prie sèche tes larmes et regarde-moi, je ne suis pas le même que celui qui a fui le palais. Ton fils est mort il y a longtemps. Je ressemble à ton fils mais ma conscience est différente. Regarde-moi seulement". "Je le vois" dit le père "depuis une demi-heure je t'injurie et c'est la preuve que tu as changé car je sais combien tu étais impétueux, tu n'aurais pas pu rester silencieux. Que t'est-il arrivé ?" Bouddha lui dit: "Je vais te le dire mais laisse-moi d'abord voir ma femme et mon enfant. Ils doivent attendre car ils doivent savoir que je suis revenu".
Et la première chose que sa femme lui dit fut: "Je vois que tu as changé. Ces douze années ont été pour moi une grande souffrance, non pas parce que tu étais parti, j'ai souffert parce que tu ne m'as rien dit. Si tu m'avais simplement dit que tu partais pour chercher la vérité, penses-tu que je t'aurais empêché ? Tu m'as profondément outragée. C'est la blessure que j'ai endurée pendant douze ans. J'appartiens aussi à la caste des guerriers, penses-tu que je sois faible au point d'avoir pleuré, hurlé et t'avoir empêché de partir ?
Durant ces douze années j'ai seulement souffert de ton manque de confiance. Je t'aurais permis, je serais venue te dire au revoir, je serais venue jusqu'au char. Avant tout je voudrais poser la seule question qui n'a pas quitté mon esprit pendant douze ans, quoi que tu aies trouvé… et il semble certain que tu aies trouvé quelque chose, tu n'es pas la même personne qui a quitté le palais, il émane de toi une lumière différente, ta présence est totalement neuve et épanouie, tes yeux sont purs et clairs comme un ciel sans nuage. Tu es devenu si beau… Tu as toujours été beau, mais cette beauté semble n'être pas de ce monde. La grâce est descendue sur toi. Ma question est: "Quoi que ce soit que tu as atteint, n'était-il pas possible de l'atteindre ici, dans le palais ? Est-ce que le palais empêche d'atteindre la vérité ?"
C'était une question extrêmement intelligente et Bouddha fut obligé d'approuver: "J'aurais pu l'atteindre ici mais à ce moment là je n'en avais aucune idée. Aujourd'hui je peux dire que j'aurais pu l'atteindre, ici dans ce palais; il n'était pas nécessaire d'aller dans les montagnes ni nulle part ailleurs. Je devais aller à l'intérieur et cela aurait pu avoir lieu n'importe où; ce palais était aussi bon que n'importe quel autre endroit, mais maintenant je peux le dire, a ce moment là je n'en savais rien.
Aussi, tu dois me pardonner, car ce n'est pas parce que je n'avais pas confiance en toi ou en ton courage; en fait je doutais de moi, si je t'avais vue t'éveiller et si j'avais vu l'enfant, j'aurais commencé à penser: "Que suis-je en train de faire ? Abandonner ma merveilleuse femme dont l'amour et le dévouement pour moi est sans limite et laisser mon enfant nouveau-né... Si je dois partir pourquoi lui ai-je donné la vie ? Je fuis mes responsabilités.
Si mon vieux père s'était réveillé c'eut été impossible pour moi. Ce n'était pas parce que je n'avais pas confiance en toi, en réalité c'était que je n'avais pas confiance en moi. Je savais qu'il y avait une hésitation, je n'étais pas totalement dans mon renoncement. Une part de moi disait: "Que fais-tu ?" Une autre disait: "C'est le moment, si tu ne le fais pas maintenant ça sera de plus en plus difficile. Ton père est sur le point de te couronner et lorsque tu seras roi ce sera beaucoup plus difficile".
Yashodhara lui dit: "C'était la seule question que je voulais te poser et je suis immensément heureuse que tu aies été totalement honnête en reconnaissant qu'on pouvait atteindre la vérité ici même; elle peut être atteinte n'importe où. Maintenant voici ton fils, ce petit garçon de douze ans qui demandait toujours après toi et je lui disais: "Attend, il reviendra, il ne peut pas être si cruel, si méchant, il ne peut pas être si inhumain. Un jour il reviendra. Peut-être que ce qu'il est allé réaliser prend du temps, mais lorsqu'il l'aura réalisé, la première chose qu'il fera sera de revenir".
Voici ton fils et je voudrais que tu me dises quel héritage tu lui laisses ? Qu'est-ce que tu as à lui donner ? Tu lui as donné la vie, quoi d'autre maintenant ?"
Bouddha n'avait que son bol de mendiant. Il appela son fils qui se nommait Rahul, le fit venir près de lui, lui donna son bol de mendiant et lui dit: "Je n'ai rien, je ne possède que ce bol; désormais j'utiliserai mes mains pour manger, pour mendier ma nourriture. En te donnant ce bol de mendiant je t'initie à sannyas, c'est le seul trésor que j'ai trouvé et j'aimerais que tu le trouves aussi". Puis il dit à Yashodhara: "Prépare-toi à faire partie de ma commune de sannyasins" et il initia sa femme.
Le vieil homme était revenu et regardait la scène. Il dit à Gautama Bouddha: "Pourquoi me laisses-tu de côté ? Ne veux-tu pas partager ce que tu as découvert avec ton vieux père ? Ma mort est proche… Initie-moi aussi". "En fait dit Bouddha, j'étais venu pour vous prendre tous avec moi, car ce que j'ai trouvé est un royaume plus grand encore, un royaume qui durera éternellement, qui ne peut pas être conquis. J'étais revenu pour que vous puissiez ressentir ma présence, prendre conscience de ma réalisation et pour vous convaincre de devenir mes compagnons de route".