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15/03/2010

Clause de mobilité - Dossier

cc64f457ddec07d9fc8c33ad11d025f8.jpgI. EN L'ABSENCE DE CLAUSE DE MOBILITE  

En principe, en l'absence de clause, le changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'ac­cord exprès du salarié. Celui-ci peut refuser cette modification.

Toutefois, deux restrictions juris­ prudentielles permettent un changement du lieu de travail sans que l'on puisse parler de modification du contrat (il s'agit alors d'une modification des conditions de travail) : quand il est limité au secteur géographique et quand les fonctions exercées impliquent une certaine mobilité.

En outre, la Cour de cassation a précisé dans deux décisions récentes du 3 juin 2003 que la mention du lieu de travail dans le contrat a une simple valeur d'information à moins qu'une clause claire et précise stipule que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.

 A. La mutation limitée au secteur géographique

La mutation est un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l'employeur quand elle a lieu dans le même secteur géographique (Cour de cassation chambre sociale 16/12/98, arrêt Tisserand - pourvoi n° 96-40.227).

Cette position a été confirmée par l'arrêt Hczyszyn (Cour de cassation chambre sociale 4/05/99, pourvoi n° 97-40.576.) qui affirme que le déplacement du lieu de travail à l'intérieur d'un même secteur géographique constitue un simple aménagement des condi­ tions de travail que le salarié est tenu d'accepter. Le changement est apprécié de manière objective : les juges ne tiennent pas compte des conséquences de la mutation sur la situation personnelle du salarié (temps de trajet considérablement allongé).

On peut noter qu'en l'absence de définition du secteur géographique, celui-ci est laissé à l'appréciation souveraine des juges du fond. Il peut s'agir de la région parisienne (C. cass. 20/10/98 p. n°96­ 40.457, ar. Boghossian), d'un bassin d'emploi ou d'une zone urbaine. Est considéré comme un changement de zone géographique, la mutation de la Seine­ Saint-Denis à la Seine et Marne ( Cour de cassation chambre sociale 24/02/00).

B. Les fonctions

La mobilité s'impose également quand les fonctions du salarié impliquent une certaine disponibilité géographique.

C'est le cas, par exemple, de l'ou vrier maçon (C. cass. 10/03/98, p. n° 95-40.982) ou du chauffeur de car scolaire (C. cass. 4/01/00, p. n° 97-41.154).

Les cadres sont également censés devoir accepter les mobilités temporaires.

Le consultant cadre, parlant allemand, qui a refusé une mission temporaire en Allemagne, au motif que la clause de mobilité s'appliquait uniquement aux déplacements en Province, est en tort ( C. cass. soc. 21/03/00, p. n° 97­ 44.851).

Deux décisions de la Cour de cassation du 22/01/03 confirment qu'en l'absence de clause, la mobilité ne peut pas être refusée quand elle est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et les fonctions du salarié. Le salarié cadre, qui refuse de se soumettre à une mobilité géographique temporaire en l'absence même de toute clause de mobilité, se rend coupable d'une faute grave.

La première espèce concernait un chef de chantier travaillant depuis 10 ans à Toulouse, dont le contrat de travail ne comportait pas de clause de mobilité. Une disposition de la convention collective stipulait que l'accord du salarié n'était pas obligatoire dans la mesure où la mobilité n' entraînait pas un changement de domicile. Le salarié a été licencié pour avoir refusé d'être affecté à 300 kilomètres pour une mission de deux mois.

Dans la seconde espèce, une clause manuscrite du contrat de travail d'un ingénieur qualité fixait le lieu de travail habituel à Toulouse. Une clause dactylographiée spécifiait que le salarié serait amené à effectuer des travaux d'assistance chez différents clients en France et à l'étranger. Les juges ont estimé que les clauses n'étaient pas contradictoires. Le refus du salarié de se déplacer à Paris pour 33 jours répartis sur deux mois constituait une faute grave compte tenu de sa fonction et de la durée de la mission.

L' obligation de mobilité doit donc être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et les fonctions du salarié impliquant une certaine mobilité.

Cependant la notion de déplacement temporaire reste à préciser.

 II. QUAND UNE CLAUSE DE MOBILITE EXISTE

 L'insertion d'une clause de mobilité dans un contrat de travail donne à l'employeur une certaine souplesse en matière de réorganisation et de gestion prévisionnelle des emplois.

En effet, l'exécution de la clause ne peut être refusée par le salarié. Le changement de lieu de travail résulte alors du pouvoir de direction de l'employeur et s'analyse en un simple changement des conditions de travail (Cour de cassation chambre sociale 10/06/97, p. n° 94-43.889). Le refus du salarié constitue, en principe, une faute grave.

A. Les sources

La clause insérée au contrat

La clause de mobilité est le plus souvent insérée au contrat. Elle est valable à condition que celui-ci soit signé (Cour de cassation chambre sociale 2/04/98, p. n° 95-43.541). L' insertion a posteriori d'une telle clause constitue une modification du contrat et doit être expressément acceptée par le salarié (C. cass. Ch. Soc. 24/11/99, p. n° 97-45.202).

La clause conventionnelle

Plus rarement, l'obligation de mobilité peut résulter d'un article de la convention collective à condition que le salarié ait été informé de l'existence de la convention collective au moment de son engagement et ait été en mesure d'en prendre connaissance (C. cass. Ch. Soc. 5/03/98, p. n° 95-45.290). Une disposition insérée postérieurement à l'embauche n'est pas opposable au salarié (C. cass. Ch. Soc. 27/06/02, p. n° 00-42.646). En outre, la clause doit être suffisamment précise pour être applicable.

En cas de conflit entre la convention collective et le contrat de travail, c'est la clause la plus favorable qui s' appliquera en vertu de l'article L.135-2 du Code du travail.

Le règlement intérieur ne peut pas imposer la mobilité, celle-ci étant étrangère à l'objet déterminé par les articles L. 122-34 et L122-35 du Code du travail (C. cass. Ch. Soc. 19/11/97, p. n° 95-41.260).

B. La mise en oeuvre de la clause de mobilité

Si la mise en oeuvre de la clause (c'est-à-dire son application) ne nécessite pas l'accord du salarié, il est impératif que l'employeur exécute la clause de bonne foi et dans l'intérêt de l'entreprise.

 L'abus de droit / le détournement de pouvoir

Le refus du salarié est possible quand l'employeur fait un usage abusif de la clause. Le licenciement prononcé à la suite du refus est alors considéré comme sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation exige que l'employeur apporte la preuve que la mutation repose sur un motif objectif (C. cass. Ch. Soc. 23/01/02) en vertu de l'article L.120-2 du Code du travail qui stipule que "nul ne peut apporter aux droits indivi­ duels et collectifs de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnelles au but recherché ".Il doit y avoir adéquation entre la mesure adoptée et le but recherché par l'employeur.

L' abus peut résulter soit du mobile justifiant la décision, soit des modalités d'application de la clause.

Concernant les modalités, on peut citer :

 La salariée mutée qui ne dispose pas de moyen de transport lui permettant d'arriver à l'heure sur son lieu de travail (C. cass. Ch. Soc. 10/01/00, p. n° 98­ 46.226) ;

Le salarié qui se trouve dans une situation familiale critique (femme enceinte de 7 mois) alors que le poste peut être pourvu par un autre salarié (C. cass. Ch. Soc. 18/05/99, p. n° 96-44.315) ;

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée si le salarié est resté sans travail, ni rémunération à la suite du refus de mutation injustifiée (C. cass. Ch. Soc. 02/07/03).

Le fait que l'employeur fasse preuve d'une légèreté blâmable justifie le refus du salarié. Si la mutation empêche la salariée de s'occuper de son enfant handicapé à l'heure de déjeuner, alors que son ancien poste reste libre, l'employeur est fautif (C. cass. Ch. Soc. 6/02/01, p. n° 98­ 44.190).

Les mobiles considérés comme abusifs sont par exemple :

La mutation dénuée de motif, exécutée trois mois après la signature de l'avenant comportant la clause de mobilité (C. cass. Ch. Soc.. 23/01/02, p. n° 99-44.845) ;

La mutation qui a pour effet de stopper une carrière, (C. cass. Ch. Soc. 18/05/99, p. n° 96-44.097). Par contre, la mutation (banlieue parisienne - province) résultant d'une demande d'avancement est justifiée (C. cass. Ch. Soc. 29/01/02, p. n° 99-44.604).

La mutation qui engendre une rétrogradation, un déclassement ou une dégradation en matière de rémunération, n'est pas légitime ( C. cass. Ch. Soc. 9/02/00, p. n° 96.44-227 et 10/04/02).

C. La mutation comme sanction disciplinaire

L'existence d'une clause de mobilité peut permettre à l'employeur d'en user comme sanction disciplinaire depuis une décision de la Cour de cassation du 11 juillet 2001. Les obligations en matière de sanction doivent être respectées (existence d'une faute, proportionnalité de la sanction, respect de la procédure déterminée par l'article L.122-40 du Code du travail).

Une incertitude existe quant à la nature de la faute qui permet la mutation du salarié. Cependant quand celle-ci est une alternative au licenciement (en cas de faute grave dans tous les cas), elle est considérée comme justifiée par les juges.

D. Le respect d'un délai suffisant

Un délai suffisant doit être laissé au salarié pour organiser le changement d'affectation sur le plan personnel et professionnel.

Ce délai doit être considéré comme raisonnable. Il dépend des distances et des contraintes engendrées par la mutation (éloignement, situation familiale, ancienneté). Ont été jugés insuffisants les délais de :

15 jours pour une mutation de Marmande à Pau (C. cass. Ch. Soc. 3/06/97, p. n° 94-43.476) ;

24 heures pour un changement d'affectation à 150 kilomètres (C. cass. Ch. Soc. 16/02/87, p. n° 84-43.047).

Mais l'employeur qui a prévenu le salarié oralement 2 mois avant la date effective de changement et confirmé par écrit 15 jours avant (obligation conventionnelle) la mutation, n'a pas été considéré comme fautif (C. cass. Ch. Soc. 28/01/01). On attire l'attention ici sur le fait que les juges semblent avoir considéré les 15 jours conventionnels comme insuffisants

E. Le refus du salarié

 A l'exception des représentants du personnel qui peuvent refuser une mutation même en présence d'une clause dans le contrat (C. cass. Ch. Soc. 28/01/88, p. n° 85-43.400; ch. crim. 21/02/89, p. n° 86-96.871 et 26/11/96, p. n° 94-86.016) et même en cas de mobilité temporaire (C. cass. Ch. Soc. 4/10/95, p. n° 94­ 40.387), les salariés soumis à une clause de mobilité ne peuvent pas refuser son application.

Le refus délibéré et injustifié du salarié est constitutif d'une faute grave (C. cass. Ch. Soc. 30/09/97, p. n° 95-43.187) qui rend impossible son maintien dans l'entreprise (C. cass. Ch. Soc. 28/02/01, p. n° 01­ 40.476) et justifie son licenciement.

La procédure de licenciement doit être respectée et avoir lieu dans le délai de 2 mois en conformité avec l'article L.122-44 du Code du travail. A défaut, le licenciement sera considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse (C. cass. Ch. Soc. 22/01/02, p. n° 99-43.952).

Toutefois, en l'absence d'abus de l'employeur, la Cour de cassation a assoupli sa position : la faute n'est plus forcement qualifiée de grave. En effet, les juges du fond ont l'obligation d'apprécier subjectivement les incidences de la mutaion sur la vie personnelle du salarié (C. cass. Ch. Soc. 04/02/03, p. n° 97-45.545). Celui-ci bénéficie de circonstances atténuantes. Licencié pour faute simple, il pourra alors exécuter son préavis et percevoir les indemnités de congés payés et de licenciement. Exemple : le salarié muté après 20 ans d'ancienneté sur le même lieu de travail et aux mêmes horaires. (C. cass. Ch. Soc. 5/12/01).

L'employeur est donc tenu de prendre en compte les conséquences de la mutation sur la vie du salarié. C'est la tendance actuelle de la jurisprudence.

Commentaires

Toutefois, en l'absence d'abus de l'employeur, la Cour de cassation a assoupli sa position : la faute n'est plus forcement qualifiée de grave. En effet, les juges du fond ont l'obligation d'apprécier subjectivement les incidences de la mutaion sur la vie personnelle du salarié .

Écrit par : pandora chains | 13/05/2010

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