18/08/2007
Les enfants de la liberté
Fini cette semaine le dernier roman de Marc Levy : l'auteur passe à un registre beaucoup plus grave que ses précédents ouvrages, mais son style direct, simple et touchant est toujours aussi plaisant, en dépit de quelques formulations quelques peu inélégantes, qu'on lui pardonne aisément. L'hommage émouvant d'un fils à son père, Raymond Levy.
"On est tous l'étranger de quelqu'un."
" Jeannot, tu leur diras de raconter notre histoire, dans leur monde libre. Que nous nous sommes battus pour eux. Tu leur apprendras que rien ne compte plus sur cette terre que cette putain de liberté capable de se soumettre au plus offrant. Tu leur diras aussi que cette grande salope aime l'amour des hommes, et que toujours elle échappera à ceux qui veulent l'emprisonner, qu'elle ira toujours donner la victoire à celui qui la respecte sans jamais espérer la garder dans son lit. Dis-leur Jeannot, dis-leur de raconter tout cela de ma part, avec leurs mots à eux, ceux de leur époque. Les miens ne sont faits que des accents de mon pays, du sang que j'ai dans la bouche et sur les mains. "
« Ce 21 mars 1943, j'ai dix-huit ans, je suis monté dans le tramway et je pars vers une station qui ne figure sur aucun plan : je vais chercher le maquis.
Il y a dix minutes, je m'appelais encore Raymond, depuis que je suis descendu au terminus de la ligne 12, je m'appelle Jeannot.[...]
Alors voilà un petit bout de l'histoire de Charles, Claude, Alonso, Catherine, Sophie, Rosine, Marc, Emile, Robert, mes copains, espagnols, italiens, polonais, hongrois, roumains, les enfants de la liberté.[...]
Chahine attendait que le jour s'en aille pour échanger quelque mots. Il lui fallait probablement que les silences de la nuit l'entourent pour retrouver un peu de force. Ensemble dans ces silences, nous partagions un peu d'humanité.
Le père Joseph, l'aumônier de la prison, sacrifiait ses tickets de rationnement pour lui venir en aide. Chaque semaine, il lui apportait un petit colis de biscuits. Pour nourrir Chahine, je les émiettais et le forçais à manger. Il lui fallait plus d'une heure pour grignoter un biscuit, parfois le double. Epuisé, il me suppliait de donner le reste aux copains, pour que le sacrifice du père Joseph serve à quelque chose.
Tu vois, c'est l'histoire d'un curé qui se prive de manger pour sauver un Arabe, d'un Arabe qui sauve un Juif en lui donnant encore raison de croire, d'un Juif qui tient l'Arabe au creux de ses bras tandis qu'il va mourir, en attendant son tour ; tu vois, c'est l'histoire du monde des hommes avec ses moments de merveilles insoupçonnées."
"Et puisque la population se préparait à l’acclamer, ce Maréchal, il fallait sonner notre tocsin, réveiller les gens de cette peur si dangereuse, celle qui gagne les foules et les conduit à baisser les bras, à accepter n’importe quoi ; à se taire avec pour seule excuse à la lâcheté que le voisin fait de même, et que si le voisin fait de même, c’est donc ainsi qu’il faut faire. »
"C'est fou ce que l'on peut avoir comme imagination quand on a faim."
(Zazie dans le maquis)
(L'irrésistible légèreté d'écriture)
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